La troisième édition de Chantiers communs s'est ouverte par une conversation à quatre voix sur les pratiques architecturales et agricoles, historiquement liées, et la nécessité de les repenser et de les reconnecter aujourd’hui en vue d’adapter nos territoires aux enjeux écologiques et sociétaux.
Après des siècles de connivence, l’architecture et l’agriculture semblent, ces dernières décennies, avoir été détachées l’une de l’autre, radicalement transformées par une industrialisation progressive devenue massive. Alors que leur essence même, à toutes deux, est d’accueillir et célébrer la vie, elles ont petit à petit perdu leurs liens à la terre et aux vivants, pour se développer hors-sol. Espaces artificialisés, objets architecturaux standardisés, élevages ou cultures intensives, les productions issues de ces pratiques contribuent chacune à leur manière à la destruction des milieux et à l’épuisement de leurs richesses.
Depuis les années 70 pourtant, des femmes et des hommes, et parmi eux, des paysannes et paysans, comme des architectes, urbanistes ou paysagistes, s’inspirent des lois du vivant pour imaginer et développer des coopérations nouvelles. Ils redessinent nos manières de cultiver et de bâtir. C’est le cas des communautés du mouvement de la permaculture, fondé par David Holmgren et Bill Mollisson en Australie, présentes maintenant partout dans le monde. Dans le sillage de leur approche systémique et globale, de nombreuses alternatives voient le jour, et contribuent à réparer nos milieux tout en préfigurant des possibles répondant aux enjeux écologiques et sociaux.
Dans la continuité de cette histoire commune, quels scénarios pourraient aujourd’hui relier de façon durable agriculture et architecture ? Pourquoi les relations entre villes et campagnes, et celles entre urbanisme et agriculture, sont-elles devenues aussi décisives ? Pourquoi des architectes ou jeunes diplômés en architecture font désormais le choix de nouvelles coopérations en s’associant avec des paysans dans des actions de terrain ? Comment ces visions et postures redéfinissent nos modes de vie et quelles perspectives ouvrent-elles ?
Avec Sébastien Marot, philosophe et professeur d’histoire environnementale, Julien Choppin, architecte cofondateur d’Encore Heureux (La Grande Halle à Colombelles) et actuellement en formation en Normandie pour devenir paysan-boulanger, et deux jeunes diplômés en architecture : Arthur Dietrich, formateur au sein de la coopérative L’Atelier Paysan, et Jacques Delamarre de retour de plusieurs années passées auprès de David Holmgren, fondateur de la permaculture.
Une rencontre animée par Marin Schaffner.
Sébastien Marot, philosophe, est professeur d’histoire environnementale à l’École d’architecture de la ville et des territoires de Paris-Est, et professeur invité à la Graduate School of Design de Harvard et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Pour la Triennale de Lisbonne en 2019, il a fait partie de l’équipe de curateurs de La poétique de la raison.
Julien Choppin est architecte. Il a fondé à 24 ans, avec Nicola Delon, l’agence Encore Heureux (lauréats des Nouveaux albums des jeunes architectes en 2006), qui revendique une démarche généraliste en associant réalisations construites et recherches prospectives par le biais de livres et de commissariats d’expositions (pavillon français de la Biennale internationale d’architecture de Venise en 2018). Engagé dans la transition, Julien Choppin est actuellement en formation en Normandie pour devenir paysan-boulanger.
Après un diplôme en architecture obtenu en 2016, Jacques Delamarre a vécu deux ans en Australie, où il s’est formé auprès de David Holmgren, co-fondateur du concept de permaculture.
Également diplômé en architecture en 2016, Arthur Dietrich a travaillé comme ouvrier charpentier avant de devenir formateur au sein de la coopérative L’Atelier Paysan.
Marin Schaffner, auteur et traducteur, codirige la collection de poche des éditions Wildproject. Ethnologue de formation, il anime de nombreux ateliers d’écriture et fait de l’éducation populaire aux sciences sociales. Il est notamment l’auteur de Un Sol commun : lutter, habiter, penser (Wildproject, 2019) et de Qu’est-ce qu’une biorégion ? (avec Mathias Rollot, Wildproject, 2021).